Le député (LR), Patrice Martin-Lalande, longtemps membre de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée Nationale, désormais spécialiste des affaires étrangères, a conservé ses réflexes de fin connaisseur du secteur. Il a frappé au cœur du beau dispositif du gouvernement : le manque total de concertation, la baisse de la production, une mauvaise réponse à un véritable problème. Surtout, il a pointé le fait que cet article constitue un cavalier parlementaire, c’est à dire qu’il est proposé par voie d’amendement dans le cadre d’un projet de loi sans rapport avec son sujet. Cette remarque n’est pas anodine car le Conseil Constitutionnel n’apprécie pas le procédé et a tendance à censurer les textes de ce type. Une faiblesse qu’il faudra exploiter le moment venu.
Mais ce sont les arguments développés par les députés de la majorité pour soutenir l’amendement du SNEP qui laissent rêveur.
Ils ont bien entendu évoqué le non-respect des quotas radiophoniques par les radios, « pas toutes » précisera le rusé Marcel Rogemont (SRC), mais même avec cette nuance, l’affirmation reste inexacte. Ils ont asséné un argument « républicain », les radios émettent sur « des fréquences publiques et bénéficient d’émoluments financiers qui viennent de la publicité », le mot est prononcé : la publicité. En filigrane, ce sont les vieilles approches bien connues qui refont surface, les radios privées ne seraient pas tout à fait respectables car « elles font de l’argent »…
Mais ce sont les arguments développés par les députés de la majorité pour soutenir l’amendement du SNEP qui laissent rêveur.
Ils ont bien entendu évoqué le non-respect des quotas radiophoniques par les radios, « pas toutes » précisera le rusé Marcel Rogemont (SRC), mais même avec cette nuance, l’affirmation reste inexacte. Ils ont asséné un argument « républicain », les radios émettent sur « des fréquences publiques et bénéficient d’émoluments financiers qui viennent de la publicité », le mot est prononcé : la publicité. En filigrane, ce sont les vieilles approches bien connues qui refont surface, les radios privées ne seraient pas tout à fait respectables car « elles font de l’argent »…
Des arguments indigents pour défendre l’amendement SNEP
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Le coup de grâce sera porté par un député qui a « eu la chance de participer à la vie des radios avant qu’elles ne soient libres. Elles étaient alors pirates, ce qui nous ramène avant 1981. Je me souviens de leur évolution et de leur construction, de libres à privées et aujourd’hui musicales » (SIC). Quelle description pointue du paysage radiophonique… Il poursuit : « Depuis quelques années, pour des raisons essentiellement économiques liées à la manière dont on comptabilise l’audience des radios, les quotas ont été détournés, mais ils ont fonctionné et ont été respectés par ces mêmes radios ! Le problème, c’est la dérive ! ». Le problème n’est donc pas que les quotas ne soient pas respectés, mais ce serait la « dérive ». Quelle « dérive » ? Celle qui consisterait à diffuser plusieurs fois par jour le même titre, c’est à dire faire de la radio ?
En effet, la radio est un média de répétition. Et n’est-ce pas une « dérive » que de ne considérer que quatre radios sur un paysage qui en compte plusieurs centaines, régulées précisément pour offrir une offre large et diversifiée au public ?
Bref, les arguments avancés par les défenseurs de cet article sont assez indigents, ce qui est normal puisqu’il s’agit d’un amendement de dernière minute, préparé en catimini et qui repose sur des chiffres alambiqués colportés par l’industrie du disque.
Quant à la Ministre, elle maîtrise parfaitement les verbatim qui lui sont livrés par la SACEM et le SNEP. Elle ressort consciencieusement les éléments de langage qui assènent qu’un même titre peut-être diffusé plus de 200 fois par mois. Elle explique la baisse de la production francophone par l’effondrement du chiffre d’affaires mondial de l’industrie du disque et elle omet de préciser que 5500 nouvelles productions francophones concernent tous les genres musicaux, dont nombreux sont ceux qui n’ont pas vocation à être diffusés sur l’ensemble des radios. Elle omet en revanche de mettre en perspective la diversité du paysage radiophonique, comme elle n’évoque pas l’effondrement de 62% en un an de la production de nouveautés francophones… Elle se cache derrière le rapport Bordes, dont les approximations ont été vivement dénoncées lors de sa publication, pour parler de large concertation mais n’explique pas pourquoi l’article 11 ter n’était pas inclus dans son projet de loi initial.
En effet, la radio est un média de répétition. Et n’est-ce pas une « dérive » que de ne considérer que quatre radios sur un paysage qui en compte plusieurs centaines, régulées précisément pour offrir une offre large et diversifiée au public ?
Bref, les arguments avancés par les défenseurs de cet article sont assez indigents, ce qui est normal puisqu’il s’agit d’un amendement de dernière minute, préparé en catimini et qui repose sur des chiffres alambiqués colportés par l’industrie du disque.
Quant à la Ministre, elle maîtrise parfaitement les verbatim qui lui sont livrés par la SACEM et le SNEP. Elle ressort consciencieusement les éléments de langage qui assènent qu’un même titre peut-être diffusé plus de 200 fois par mois. Elle explique la baisse de la production francophone par l’effondrement du chiffre d’affaires mondial de l’industrie du disque et elle omet de préciser que 5500 nouvelles productions francophones concernent tous les genres musicaux, dont nombreux sont ceux qui n’ont pas vocation à être diffusés sur l’ensemble des radios. Elle omet en revanche de mettre en perspective la diversité du paysage radiophonique, comme elle n’évoque pas l’effondrement de 62% en un an de la production de nouveautés francophones… Elle se cache derrière le rapport Bordes, dont les approximations ont été vivement dénoncées lors de sa publication, pour parler de large concertation mais n’explique pas pourquoi l’article 11 ter n’était pas inclus dans son projet de loi initial.
L’incompréhensible silence du CSA
Ce passage en première lecture marque une belle victoire du lobby de la musique, fortement relayé et soutenu par la rue de Valois quand les radios françaises sont bien seules. Le CSA, qui devrait être également le relai de leurs préoccupations dans ce débat houleux et manipulé, est curieusement silencieux. Pourtant, il a publié un rapport remarquable en janvier 2014 intitulé « l’exposition des musiques actuelles par les radios musicales privées – État des lieux et perspectives ». Francine Mariani-Ducray, la conseillère à l’initiative de l’étude avait pris soin d’entendre l’ensemble de la filière musicale et de tenir compte des contraintes subies par un secteur qu’elle connaît bien puisqu’elle participe à sa régulation : les radios. Son rapport fait état de pistes de travail et de réflexion et conclue : « Un plafonnement uniforme des rotations des titres francophones par la voie législative n’est donc pas la réponse pertinente ». Le CSA a donc une position franche, éclairée par une vision du secteur mais il reste aujourd’hui muré dans le silence. Incompréhensible.
C’est peut-être de la Haute Assemblée que pourrait venir un espoir de suppression de cet article qui ne répond à aucune question et n’apporte aucune solution sinon plus de contraintes pour les radios à un moment clé où elles auraient besoin de plus de liberté de mouvement face à la dérégulation totale des acteurs du net.
Pour obtenir un tel résultat, le chemin est ténu. En effet, la stratégie de Madame Pellerin et des industriels du disque reposait sur le vote de l’article 11 ter en première lecture à l’Assemblée afin de négocier ensuite, au mieux, quelques aménagements avec les sénateurs. Le passage par cavalier législatif évitait tout débat de fond et permettait de « surprendre » les radios. Pour le moment, le coup est bien joué.
Désormais, les radios vont devoir faire preuve de pédagogie pour décortiquer et expliquer les innombrables contrevérités déversées par les représentants du disque sur les parlementaires. Le CSA serait bien avisé d’entrer également dans le débat pour y apporter son expertise et venir en soutien des éditeurs qu’il a pour mission de réguler.
Mathieu Quétel, président de Sountsou
Pour obtenir un tel résultat, le chemin est ténu. En effet, la stratégie de Madame Pellerin et des industriels du disque reposait sur le vote de l’article 11 ter en première lecture à l’Assemblée afin de négocier ensuite, au mieux, quelques aménagements avec les sénateurs. Le passage par cavalier législatif évitait tout débat de fond et permettait de « surprendre » les radios. Pour le moment, le coup est bien joué.
Désormais, les radios vont devoir faire preuve de pédagogie pour décortiquer et expliquer les innombrables contrevérités déversées par les représentants du disque sur les parlementaires. Le CSA serait bien avisé d’entrer également dans le débat pour y apporter son expertise et venir en soutien des éditeurs qu’il a pour mission de réguler.
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